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Ich bin ein Marathonläufer

Par cette métaphore de la célèbre phrase prononcée par John Kennedy s’achève mon marathon de Berlin 2016. Troisième major marathon bouclé en trois ans après Londres et New York ce qui nous place désormais à mi-chemin de la médaille des Six Stars Finishers qui fait rêver de nombreux marathoniens. Cette médaille est décernée aux coureurs qui ont bouclé avec succès les six marathons composant la série des World Major Marathon (Tokyo, Boston, Londres, Berlin, Chicago et New York).

S’ils sont tous des marathons de premier rang caractérisés par leur nombre important d’engagés, chaque marathon garde néanmoins sa spécificité. Celui de Berlin est placé sous le signe de la performance et plus précisément des records du monde. Trois records y ont été battus récemment et les organisateurs mettent en avant le parcours très plat propice à la réalisation de performances.
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Avant de s’élancer pour le marathon, une visite au village s’impose pour récupérer le dossard et se faire une première idée de l’ambiance. Le village du marathon de Berlin n’a rien d’exceptionnel, celui-ci est rationnel pas spécialement chaleureux ni exubérant, très allemand en somme. A Berlin les dossards sont imprimés sur présentation du code barre de la convocation ce qui facilite grandement les choses. En revanche le chronométrage se fait par une puce à accrocher dans ses lacets, une technique d’un autre âge que l’on s’attend plus à voir sur une course régionale que sur un marathon international.

Autre pingrerie berlinoise, aucun t-shirt n’est offert aux coureurs que ce soit celui du marathon ou celui de finisher. Il faut donc se délester de 30€ pour acheter un t-shirt de finisher avant même de prendre le départ de la course … superstitieux s’abstenir ! Le marathon de Berlin n’est pas réputé pour la beauté de ses produits dérivés et les choix de couleurs pour cette édition 2016 ne viendront pas contredire cette réputation.

Dimanche matin place à la course, quelle joie d’être sur la même ligne de départ (à quelques mètres près) que Kenenissa Bekele que j’admirais il y a quelques années au Stade de France lors des mondiaux d’athlétisme 2003. Le marathon est l’un des rares, si ce n’est l’unique sport où des athlètes professionnels se retrouvent sur la même ligne de départ que des amateurs. Le départ est très bien organisé et les vidéos sur écrans géants nous font patienter jusqu’au coup de pistolet au point que l’on ne voit pas le temps passer jusqu’au décompte à une minute du départ.
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Le temps de préparer la montre et nous voilà lancés en direction de la Tour de la Victoire. Je profite des premiers kilomètres pour me chauffer doucement quitte à sacrifier quelques secondes au kilomètre. Le plan est de partir sur un rythme de 4’40 au kilomètre et de le tenir aussi longtemps que possible. L’expérience du marathon, même si celle-ci est faible avec quatre départs au compteur permet de mieux gérer le rythme des premiers kilomètres et de se forcer à ralentir pour garder de l’énergie pour les derniers kilomètres du parcours.

Berlin est le marathon de la performance et cela se ressent dans le peloton. Tout le monde est concentré sur son objectif et il y a très peu de gens déguisés. À Berlin le marathon est plus un sport qu’un amusement et cela se voit également du côté des spectateurs. Ceux-ci sont présents en nombre mais relativement calmes, ils se contentent d’applaudir poliment et d’encourager la famille ou les amis qu’ils sont venus voir. On est très loin des spectateurs hurlants dans les rues de Londres ou des panneaux d’encouragement de New York.

Petit à petit les kilomètres défilent, 5km, 10km …15km, rien ne peut m’arrêter, si ce n’est peut être la monotonie du parcours. Si le marathon de Berlin est assurément plat, il se dispute sur de grandes avenues et son parcours à peu d’intérêt. La course se déroule principalement dans des zones pavillonnaires et à l’exception de l’arrivée à la porte de Brandebourg on ne voit quasiment aucun monuments.
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Au 17ème kilomètre ma montre GPS décide de se perdre et m’annonce que je cours au milieu d’un parc alors que je suis bel est bien sur une avenue du parcours officiel. Résultat de ce détour imaginaire : un décalage de quasiment un kilomètre entre la distance de la montre et celle réelle du marathon. Tous les calculs de moyenne sont donc faux, il faut alors faire les calculs à l’ancienne dans sa tête en se fiant uniquement à la vitesse instantanée et en calculant les temps de passage.

Je continue ainsi mon parcours dans les rues de Berlin, même si je sens bien que tenir le rythme de 4’40 est de plus en plus difficile, le chronomètre reste stable et les kilomètres continuent de défiler. Pas de mur du 30ème ni même du 35ème kilomètre, seulement des jambes qui deviennent lourdes et la nécessité de relancer de plus en plus pour rester dans les objectifs. Le calcul mental continue et en passant au 38ème kilomètre je sais que si je tiens sous les 5 minutes au kilomètre je franchirai la ligne d’arrivée en moins de 3h20. Ce sera mon objectif jusqu’à la fin.

En passant la Postdamer Platz, l’arrivée du marathon est à quelques mètres seulement mais les organisateurs n’ont pas choisi le chemin le plus court et nous ont réservé un détour de près de 4 kilomètres avant de passer la ligne d’arrivée tant espérée. A l’abord du 40ème kilomètre je ressens l’effet du mur (quoi de plus normal à Berlin !), le chrono ralenti de plus en plus et commence à flirter dangereusement avec la limite des 5 minutes au kilomètre. Le moral prend alors le relais pour me porter jusqu’à la dernière ligne droite.
En apercevant enfin la porte de Brandebourg, je sais que l’arrivée est encore à plus de 500 mètres et qu’il ne faut pas accélérer tout de suite. Mais chassez le naturel et il revient au galop, j’accélère donc jusqu’à la porte de Brandebourg puis une seconde fois entre la porte et la ligne d’arrivée. Au moment de franchir la ligne, un coup d’œil au chrono me permet de voir que le défi est réussi et que le temps officiel est de 3’19’’17. Il s’agit d’un nouveau record quasiment 10 minutes plus rapide que le temps établi l’an dernier à New York. Celui-ci sera très certainement difficile à battre dans les mois ou années à venir.
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A l’arrivée, outre la traditionnelle médaille, le ravitaillement et le poncho, le marathon de Berlin est à ma connaissance le seul à offrir de la bière aux participants. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, de nombreux marathonien profitent de leur pinte de bière seulement quelques minutes après avoir franchi la ligne d’arrivée.

En résumé, le marathon de Berlin est totalement orienté vers la performance, tout est parfaitement organisé avant et pendant la course pour favoriser les chronos. En revanche, au niveau du parcours et des spectateurs, Berlin manque de ce léger supplément d’âme qui fait de certains marathons une immense fête populaire.

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Une SaintéLyon pour mon Grand-Père

Chez Morrissette Racing, nous n’avons pas pour habitude de faire les choses à moitié, on aurait bien aimé démarrer la course historique directement par Le Mans Classic mais cela n’était pas possible. Il en est de même pour la course à pied, lorsqu’on a décidé d’essayer le trail on s’est directement inscrit à la SaintéLyon, la grande, la solo avec ses 72 km et ses 1740 m de dénivelé positif.

Ceux qui me connaissent savent que je fais beaucoup de course à pieds, mais je le fait principalement pour moi. Je me lance des défis personnels pour ma propre satisfaction et ne recherche pas particulièrement la reconnaissance des autres. C’est pour cette raison que je ne juge pas utile d’inonder les réseaux sociaux de mes entrainements. Je pense que vous avez tous d’autres préoccupations que de savoir si j’ai fait 5 tours de Parc Monceau à 12 km/h ou plutôt enchainé les montées de Montmartre à 10 km/h.

Il m’arrive parfois de vouloir terminer une épreuve ou ramener une récompense pour des personnes qui me sont chères. J’ai ainsi tout fait au moi de juin pour ramener un trophée de la course ASAVE GT Tourisme de Charade pour un membre de ma famille hospitalisé. C’est également pourquoi, suite à la disparition récente de mon Grand-Père, que j’ai décidé de prendre le départ de la SaintéLyon pour lui, pour qu’il soit fier de moi.
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Départ Sainté.
La SaintéLyon, comme son nom l’indique se déroule entre Saint-Etienne et Lyon à quelques battements d’ailes de milan (un oiseau cher au cœur de mon Grand-Père) de l’Auvergne ou celui-ci a passé toute sa vie. Ce dimanche à minuit, l’émotion est donc importante au moment du départ du fait de la minute d’applaudissement dédiée aux victimes des attentats du 13 novembre mais également de ma motivation toute personnelle.

Après avoir lu et relu les différents conseils relatifs à la SaintéLyon je tente d’appliquer ceux-ci à la lettre. Ne pas abuser de la pasta party et éviter la sauce, partir doucement pour ne pas se cramer dès les premiers kilomètres. Je pars donc doucement, en me calant sur un rythme de 6 minutes au kilomètre et en marchant dès que la route s’élève, je me rends rapidement compte que malgré tout je cours trop dans les montées et me règle petit à petit sur le rythme du peloton.

Avec plus de 6000 partants lancés sur les petits chemins au dessus de Saint Etienne, les sentiers prennent rapidement des allures de périphérique parisien et ça bouchonne dès que les chemins se rétrécissent. Je me mets dans le rythme petit à petit en essayant de descendre le mieux possible et en respectant les distances de sécurité (comme sur la route) afin de voir ce qui se passe devant.

Je profite de l’atmosphère de la SainteLyon avec notamment les cheminements de lampes frontales sur les chemins vallonnés. Le ciel est totalement dégagé, ce qui nous permet de voir les étoiles. Je suis sûr que mon Grand-Père nous voit depuis son étoile et j’espère qu’il aura vu ma frontale, modeste petite étoile à l’assaut des chemins entre Saint Etienne et Lyon.
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Sainté Nuit 1.
En un peu plus d’une heure quarante j’arrive au premier ravitaillement situé à St Christo en Jarez, le barnum est totalement bondé, difficile d’accéder au ravitaillement solide et liquide ou bien encore de remplir les poches à eau. Je prends une pate de fruit et continue, sachant que j’ai assez d’eau pour tenir jusqu’au second ravitaillement.

A partir du 20ème kilomètre, je sens que l’eau que je bois à du mal à descendre et que mon estomac commence à faire des siennes. Plus les kilomètres défilent, moins les aliments et les boissons passent. Pire mon estomac me gratifie de nombreux reflux qui m’empêchent de respirer correctement et occasionnant des points de cotés. Pourquoi ces douleurs ? Je n’en ai aucune idée, est-ce des restes de la fatigue post Marathon de New-York ? L’eau froide dans la poche à eau ? Les pates peu appétissantes au départ ? Un corps non habitué à courir au milieu de la nuit ?

Au 25ème kilomètre, la situation s’empire et un arrêt d’urgence sur le bas coté pour vomir est obligatoire. J’ai l’impression que ca va mieux et continue jusqu’au ravitaillement de Sainte Catherine, la situation est encore pire qu’au ravitaillement précédent, toujours pas d’eau pour les poches à eau et impossible d’accéder aux tables de ravitaillement. Je réussi à récupérer une bouteille de St Yorre pour remplir ma poche à eau et continue. Je ne souhaite pas m’éterniser à ce point de ravitaillement pour balayer toute idée d’abandon.
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Sainté Nuit 2.
L’impression d’aller mieux s’estompe cependant rapidement dès que la route s’élève de nouveau. Lorsque la route monte, je suis très rapidement essoufflé et lorsqu’elle descend les secousses ballottent mon ventre et m’obligent à ralentir. Deux nouveaux arrêts d’urgence seront nécessaires pour rejoindre le ravitaillement du 40ème kilomètre situé à St Genoux. Malgré la satisfaction d’avoir dépassé le point culminant de la SaintéLyon, il faut se rendre à l’évidence je n’ai plus d’essence dans le moteur. Lorsque je marche j’ai du mal à garder une ligne droite et pourtant je n’ai pas bu une goute d’alcool. Je décide de tenter de me refaire une santé à St Genoux en y restant 5 minutes et en tentant le tout pour le tout avec du Coca. Au final, j’y passerais plus de 15 minutes a péniblement réussir à boire un gobelet.

L’idée de l’abandon se fait de plus en plus présente. Il faut se rendre à l’évidence, j’ai du mal à respirer correctement, je n’ai plus de force et je ne me vois pas continuer encore 32 kilomètres. Quel intérêt de faire 10km de plus si c’est pour abandonner au prochain ravitaillement ? Dois-je continuer avec le risque de blessure que cela peut comporter en cas de chute contre une pierre ou un arbre ? Je tente de prendre une décision rationnelle et l’abandon semble la meilleure solution. Je fais même la queue devant le bureau des abandons avant de me ressaisir « non je ne peux pas, il faut au mois essayer, si tu ne le fais pas pour toi fait le pour ton Grand-Père » Electrisé par cette décision je repars et ou bout de quelques mètres j’ai froid pour la première fois. Je rajoute une couche et continue mon chemin.

La route se fait plus descendante et me permet de courir plus que de marcher. Je passe mon temps à faire des calculs mentaux pour savoir quelle est la moyenne à tenir pour arriver à Lyon avant 15h, la barrière horaire de la SaintéLyon. Toute notion de chrono est définitivement abandonnée et seul finir compte. Initialement je me prenais à rêver d’un chrono en moins de 10h pour décrocher une SaintéLyon de bronze, cela n’aurait de toute façon pas suffit car mon Grand-Père était un homme en or.
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Lever Soleil Lyon.

En approchant du ravitaillement du 51ème kilomètre le soleil commence à se lever et redonne espoir, il y a également de plus en plus de route mon domaine de prédilection. Je me rends compte que je n’ai pas une foulée de trailer mais bien de pur routard. Je n’ai pas de foulée lente et économique, soit je marche, soit je cours rapidement, il me manque une vitesse intermédiaire.

Depuis le lever du soleil, les kilomètres défilent et je double ce qui est bon pour le moral. Je me remets à me fixer des objectifs chronométriques, arriver avant midi puis arriver avant 11h. Sur les 20 derniers kilomètres je me fais enfin plaisir, mon ventre n’est toujours pas au top mais il est sous contrôle. Mon régime de coca aux ravitaillements et de boisson énergétique dans la poche à eau semble fonctionner et les jambes peuvent enfin tourner. Je gagne plus de 500 places au classement général et je finis en sprint en arrivant à Lyon, la descente des marches se fait tambour battant (merci les entrainements à Montmartre) avant de tout donner jusqu’à la Halle Tony Garnier.

C’est fait je suis Finisher de la SaintéLyon 72km au terme de 10h38 d’efforts, je l’ai fait pour toi papy mais aussi pour moi. J’espère que je ne vous ai pas dérangé avec mon article car mon Grand-Père lui a passé sa vie à tout faire pour ne pas déranger les gens.
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Finisher SaintéLyon.